Caroline Mesquita
Second Skins - 75 ans de jumelage Ludwigsburg Montbéliard
Hors les murs {L’Arsenalplatz, Ludwigsburg}
En 2025, la ville de Ludwigsburg célèbre le 75e anniversaire de son jumelage avec Montbéliard – le tout premier jumelage franco-allemand.
Ce partenariat incarne l’amitié, l’échange et la volonté de construire de nouveaux ponts après la guerre.
L’Arsenalplatz est un lieu particulièrement symbolique pour cet anniversaire : autrefois place d’armes et terrain de parade du duché de Wurtemberg, il était orné de trophées militaires, symboles de pouvoir et de victoire. Aujourd’hui, seuls les socles historiques témoignent encore de ce passé. Avec le projet Second Skins, ce lieu est réinterprété. Conçue en collaboration avec l’institution artistique française Le 19, Centre régional d’art contemporain et la ville de Montbéliard, le projet propose qu’une œuvre d’art contemporaine dialogue avec l’histoire du site pour transformer afin d’en révéler d’autres potentiels et d’y engager de nouvelles conversations et rencontres.
Second Skins est une installation de l’artiste française Caroline Mesquita. Invitée à investir les socles de l’Arsenalplatz, elle y déploie trois sculptures représentant des mains en laiton.
Celles-ci entretiennent un rapport ambigu avec les piédestaux : tandis que l’une trône fièrement, à la manière d’un trophée historique, les deux autres s’approchent avec curiosité.
L’une semble grimper prudemment sur un socle ; l’autre en redescend avec élégance. Ces mains paraissent pressentir une présence absente, comme si elles contenaient, dans
leur creux, les sculptures d’origine qu’elles approchent et découvrent. Cette absence évoque la transformation de l’espace public dans nos sociétés. Alors que les places étaient
autrefois dédiées à l’affirmation et à la contemplation du pouvoir, elles fonctionnent aujourd’hui davantage comme des agoras.
Dès lors, quelle pertinence accorder aux monuments du passé ? Et quelle nouvelle vie pourrions-nous imaginer pour eux ?
L’installation restera visible pendant un an. Parallèlement, la ville étudie comment les trophées historiques, actuellement conservés au château de Ludwigsburg, pourraient à l’avenir entrer en dialogue avec l’art contemporain. L’inauguration officielle aura lieu le 15 novembre 2025, en présence d’invités venus de Montbéliard, de représentants des deux villes et des habitant·e·s de Ludwigsburg. Ce projet se veut un projet pilote : à long terme, la ville de Ludwigsburg souhaite réactiver régulièrement les socles historiques de l’Arsenalplatz par des œuvres d’art temporaires réalisées en coopération avec ses villes partenaires – faisant de cet espace un lieu vivant dédié à l’art, la mémoire et le dialogue international.
✱ L’œuvre – Second Skins
Sur la place de l’Arsenal, trois mains en laiton entrent en dialogue avec les socles historiques, derniers témoins d’une époque où des trophées militaires y affirmaient puissance et victoire. Le titre Second Skins évoque une seconde peau protectrice, proche de l’armure, mais aussi capable de guérir, de se régénérer et de se réinventer. Elle devient à la fois une surface de mémoire et un lieu de contact, un espace de relation à l’autre.
L’artiste interroge la nouvelle vie de ces sculptures publiques : celle des trophées, dont le temps a altéré les formes et les détails, mais aussi celle des mains, arrivées à Ludwigsburg après une autre existence. Cette rencontre invite à observer leur matérialité : la pierre des sculptures anciennes, autrefois sculptée et associée à des éléments de cuirasse, et le laiton des mains, qui en propose aujourd’hui une relecture, oscillant entre l’évocation de l’armure et celle du bijou. Il en découle un parallèle entre l’aspect métallique
des anciens trophées et celui du laiton roulé des nouvelles formes, comme si ces matières se répondaient à travers les époques.
Dans une relation presque sensuelle, ces mains, semblant animées, viennent — virtuellement, grâce à l’apparition des anciennes sculptures sous forme d’images — révéler et toucher ces objets, tisser avec eux un lien intemporel et leur offrir une seconde vie. Mains et fragments de corps semblent alors se compléter.
✱ L’artiste – Caroline Mesquita
Caroline Mesquita, née en 1989 à Brest, vit et travaille à Marseille. Ses sculptures, souvent réalisées en métal - et tout particulièrement en laiton - allient maîtrise technique et sensualité presque théâtrale. Elle explore les relations entre l’humain et l’objet, entre mouvement et immobilité. Dans ses œuvres, figures, machines ou fragments de corps semblent engagés dans un dialogue figé, à la fois familiers et étrangement distants. Le métal qu’elle façonne n’est jamais inerte : il s’oxyde, se transforme et réagit à son environnement.
✱ La place de l’Arsenal et les trophées
Un des lieux les plus chargés d’histoire de Ludwigsburg.Au milieu du XVIIIe siècle, elle fut aménagée sur ordre du duc Charles-Eugène de Wurtemberg comme partie intégrante des installations militaires ducales – un espace où devaient se manifester le pouvoir, la discipline et l’ordre. En 1761, on posa la première pierre de la caserne de l’Arsenal, qui servait de « magasin général de l’administration militaire ducale ». La place elle-même devint le théâtre de parades, de défilés et de mises en scène de la puissance militaire.
Elle était ornée de six trophées monumentaux en pierre, symbolisant la victoire sur des ennemis imaginaires. Composés de cuirasses, de casques, de boucliers, d’étendards, d’épées, de lances et de flèches, ces ensembles sculptés exprimaient la supériorité guerrière et la force défensive. Au-dessus de l’aile sud du bâtiment figurait l’inscription latine: « Pacem arma firmant » – Les armes assurent la paix. Après la Seconde Guerre mondiale, la place de l’Arsenal perdit sa fonction militaire. Des sculptures d’origine, il ne subsiste que les socles vides – témoins silencieux d’une époque où la victoire et la violence étaient célébrées publiquement.
✱ Perspectives – Art dans l’espace public et jumelages
Les Trophées de l’amitié se veut le point de départ d’une idée à long terme: la place de l’Arsenal doit être régulièrement réactivée, en coopération avec les villes partenaires de
Ludwigsburg, à travers des œuvres d’art temporaires. Chaque projet pourra interroger la place depuis une autre perspective – son histoire, son vide, sa signification dans l’Europe d’aujourd’hui. Ainsi naît un dialogue continu entre passé et présent, entre recherche artistique et échange international. Les socles historiques deviennent un archive ouvert, qui peut être réécrit encore et encore : tour à tour lieu de mémoire, scène ou espace de résonance.
✱ Partenaires du projet
Un projet commun des villes de Ludwigsburg et de Montbéliard, réalisé par le Service de l’art et de la culture ainsi que par le Service du développement urbain, du climat et des relations internationales. Soutenu par la Fondation Heer, en collaboration avec Le 19 – Centre régional d’art contemporain. Un remerciement particulier au Land de Bade-Wurtemberg et à Vermögen und Bau, aux Archives municipales de Ludwigsburg, ainsi qu’à la métallerie Batz & Moosmüller.
Infos utiles
Accès libre - à voir jusqu’en novembre 2026
Curatrice : Adeline Lepine